Comment situer un lieu sur le globe ?

Ou comment jouer à bataille navale sur une sphère ?


• Concepts de la pensée géographique : repérage d’un lieu sur le globe terrestre

• Concepts géographiques : longitude, latitude et origine.


LES REPRÉSENTATIONS DES ÉLÈVES

Les représentations des élèves présentent le même paradoxe que celles des adultes. Ils vivent dans un monde en trois dimensions mais se le représentent en deux. Il suffit d’observer la réaction des adultes devant les trajets des avions transatlantiques pour s’en convaincre1. Pour que les élèves prennent conscience de ce problème, l’enseignant peut tracer des formes géométriques classiques sur des ballons de baudruche, puis les gonfler. Sans rentrer dans les détails, les élèves constatent que les formes tracées se sont déformées. Ils partagent avec les adultes une perception plane d’un monde qui ne l’est pas.

La difficulté réside dans le fait que l’outil (le carroyage) qui permet de se repérer sur un plan n’est pas opérationnel sur une sphère. Si celui-ci a commencé à être construit en mathématiques, il peut être réemployé. Sinon, il faut le faire construire aux élèves. Si le carroyage peut être un système judicieux pour se repérer sur un plan, il n’est pas transposable tel quel. Le système actuel de repérage sur une sphère (coordonnées avec latitude et longitude) est l’héritier des travaux d’Eratosthène (3e siècle av. J.-C.) et d’Hipparque de Nicée (2e siècle av. J.-C.).

La latitude (les parallèles) est un concept relativement aisé à construire puisqu’on peut, à la limite, la concevoir comme si la surface était strictement un plan. Par contre, c’est beaucoup plus difficile pour la longitude (les méridiens). D’où la nécessité, à notre avis, de créer une première situation où les axes traditionnels (que nous nommons abscisse et ordonnée mais qui peuvent être les lignes du cahier) sont réemployés pour pouvoir être mis à distance et que puisse être conceptualisé le saut qu’il y a entre le plan et la surface courbe. C’est parce que les élèves auront perçu les limites du système qu’ils connaissent qu’ils pourront commencer à en inventer un autre. Il n’est pas assuré que les élèves seront en mesure de réinventer in extenso le système des coordonnées. Au moins, l’enseignant aura contribué à créer les conditions de réception, au sens de structures d’accueil, d’un système autre. Rappelons qu’il est plus important de créer les conditions d’une modification des représentations que d’apporter des réponses à des interrogations qui n’existent pas.

Ensuite, au cycle 3 évidemment, une série d’exercices de repérages pourront être réalisés afin que les élèves s’entraînent à donner la latitude et la longitude d’un point, par exemple les grandes villes. Bien sûr, l’exercice devra être accompli en sens inverse afin de s’assurer que les deux notions sont bien construites par les élèves. Il s’agit là d’un entraînement « technique » qui pourrait être superflu si le système de coordonnées était souvent manié dans l’enseignement de la géographie, que ce soit à l’école ou au collège. Mais il n’en est rien.

LE POINT SUR LA QUESTION

Le point sur la question (à destination des enseignants) peut se résumer au travers les deux schémas proposés plus bas. Il importe que le lecteur tienne compte du fait que le dessin que nous donnons de la Terre est plat mais que les angles sont mesurés à partir du centre de la sphère Terre.

Notons également que l’axe de rotation de la Terre est incliné par rapport au plan auquel appartiennent le centre de la Terre et celui du Soleil. Ce plan est nommé écliptique. Cette inclinaison est de 23°27′. Sans cette inclinaison, pas d’inégalité des durées du jour et de la nuit selon les saisons et, bien évidemment, pas de saisons.

La latitude d’un point définit la distance angulaire d’un point à l’Équateur qui est donc le parallèle de référence. Les rotations angulaires utilisées définissent en fait un plan dont l’intersection avec la surface de la sphère est une ligne nommée parallèle. Cette subtilité n’a pas d’intérêt fondamental pour les élèves, pas plus que les modalités classiques de définition des parallèles (voir schéma 1 ci-dessous).

Schéma 1 – Rotations angulaires définissant tropiques et cercles polaires

La longitude d’un point exprime en fait l’angle formé par le plan méridien d’un point (qui passe par les deux pôles) avec un plan méridien origine (qui passe lui aussi par les deux pôles), c’est à dire Greenwich. La représentation la plus aisée que l’on puisse proposer à des élèves est celle du melon, dont les nervures de la peau dessinent des méridiens.

Hipparque de Nicée (2e siècle avant notre ère) serait à l’origine des parallèles et des méridiens pour les mesures sur Terre, la détermination de son inclinaison sur l’écliptique, l’invention de l’astrolabe (mesurant la hauteur des astres au-dessus de l’horizon), l’explication des éclipses. C’est Hipparque qui assit définitivement la division de la circonférence de la Terre en 360°, réinvestissant la numération sexagésimale des Babyloniens, chaque degré est divisé en 60 minutes et chacune d’elle en 60 secondes. Ces travaux en géographie sont dans la suite de ceux d’Ératosthène qui avait donné une valeur approchée du diamètre terrestre.

Pour la latitude, on distingue une mesure au nord et au sud de l’Equateur. Pour la longitude, le méridien de Greenwich sert de référent, et détermine donc une longitude est et une longitude ouest. Chaque point de la surface terrestre est donc repérable par sa latitude et sa longitude, ce sont ses coordonnées.

Déroulement de la situation-problème

INDICATIONS SUR L’ANIMATION

La situation de départ est directement inspirée d’une démarche d’auto-socio-construction inventée par Henri Bassis2.

Séance 1 

Le problème posé à chaque groupe d’élèves est de communiquer à un autre groupe la position exacte d’un point qu’il a tracé sur une feuille de papier sans que ce groupe ne communique la moindre mesure ou ne montre à son groupe correspondant la feuille en question.

Les élèves peuvent donc, au minimum, définir un haut et un bas par rapport à un axe central – horizontal ainsi qu’une droite et une gauche par rapport à un axe central – vertical. Si les élèves ont plié une fois de plus, ils gagnent en précision en doublant le nombre de « quadrants ».

Des élèves proposent alors de systématiser la stratégie en pliant un plus grand nombre de fois. Mais ce nombre est loin d’être illimité et ne permet pas de définir avec suffisamment de précision tous les points qui ont été positionnés par les groupes. Cependant, le quadrillage suggéré par les pliages peut être maintenant tracé. Mais là encore, à moins d’un coup de chance, tous les points ne se situent pas à l’intersection de deux axes. Aussi maintenant, les groupes sont-ils mûrs pour que seuls les deux axes majeurs soient tracés et la règle réintroduite.

Séance 2 

Comment faire se construire les notions de parallèle et de méridien ?

Un certain nombre d’élèves propose immédiatement d’utiliser le système de carroyage ou quadrillage réinventé au cours de la séquence précédente. L’enseignant les laisse faire, cependant il apporte un globe terrestre qu’il installe sur son bureau ou si cela est possible, un globe pour chaque groupe, ou, à défaut, un ballon de baudruche gonflé de telle manière que la feuille de papier en couvrira à peu près la surface entière.

Et c’est ici qu’il y a problème : d’une part la feuille de papier ne peut pas couvrir toute la surface du ballon sans que les élèves la déchirent et donc détruisent le système qu’ils avaient précédemment réinventé. Et d’autre part, on peut les déranger en leur demander ce qu’il advient de leur système si le vaisseau extraterrestre est justement tombé dans une de ces zones non-recouvertes ?

Les groupes retournent au travail et cherchent une solution. Notons que si les élèves font un cylindre, ils sont en train de réinventer la projection cylindrique. Soit leur axe horizontal peut à-peu-près se confondre avec l’Équateur, soit en repliant les extrémités du cylindre vers les pôles, certains peuvent imaginer que les lignes verticales s’incurvent et se rejoignent aux pôles. Mais, il s’agit en général d’une exploration qui ne leur permet pas de trouver une solution. Afin d’aider les élèves à faire le saut conceptuel, il n’est pas inutile que l’enseignant ait apporté un melon pour chaque groupe ou, si la saison ne s’y prête pas, des oranges qu’il pèlera, afin que les élèves puissent découvrir les lignes qui délimitent les « quartiers » de ces deux fruits.

Les groupes se réunissent et proposent leur solution. Après cette confrontation, l’enseignant propose le vocabulaire adéquat :

– Axe horizontal de référence : « Équateur » (coupe le globe en deux parties égales nommées les hémisphères ; les 2 racines sont présentes : « équi » et « hémi »). L’écart à cet axe se nomme  « latitude ». L’Équateur est perpendiculaire à l’axe de rotation de la Terre. Un point est soit au nord, soit au sud de l’Équateur, il faudra donc distinguer une latitude nord et une latitude sud.

– Axe vertical de référence :  » Méridien » de Greenwich. L’écart par rapport à cet axe se nomme  » longitude ». Un point est soit de longitude ouest, soit de longitude est.

L’enseignant doit prêter attention que les notions de haut et de bas ne seront aucunement utilisables pour une sphère (schéma 2)

Schéma 2 : Haut ? Bas ?

Le problème de la mesure de la latitude et de la longitude n’est pas un problème simple qui paraît abordable ni au cycle 2 pas plus qu’au cycle trois. En fait, il s’agit de mesurer des angles, de définir deux plans qui, se coupant dans l’espace défini par la sphère, déterminent les coordonnées d’un point. L’Équateur est donc de latitude 0 degré, le Pôle Nord de latitude 90 degrés nord. La démarche est la même pour la longitude : le méridien de Greenwich est de longitude 0 degré, il est repérable car il relie les deux pôles en passant approximativement par Londres, son prolongement est de longitude 180 degrés. 

La mesure de ces angles, ainsi que celle de parallèles particulièrement important comme les Tropiques et les Cercles polaires, ne sera pas abordée non plus en collège ou en lycée, du moins par les enseignants de géographie.

DuréeORGANISATIONMISSION
Séance 1 Construction de la notion de coordonnées.
30 mLa classe est partagée en un nombre de groupes pair. Chaque groupe dispose d’une feuille blanche sans aucune ligne. Un élève place au hasard un point. Le groupe doit, à l’aide d’un message, indiquer à un autre groupe l’endroit exact où se trouve le point de telle sorte que le groupe correspondant saura le placer exactement.
P.S. 1. Les groupes, bien entendu, ne disposent que d’un crayon à papier. Ils n’ont aucun moyen de mesure (règle, compas…).
P.S. 2. Chaque groupe dispose évidemment d’une deuxième feuille blanche sur laquelle il essaie de positionner le point à l’aide du message qui lui a été adressé. Au bout de plusieurs essais – erreurs, l’enseignant fait le point en réunissant les groupes, il procède à l’inventaire des amorces de solutions :
– Feuille pliée en deux ou en quatre.
– Définition de différents quadrants
– Tracé de lignes non rectilignes, etc.
Sur chacune de ces feuilles, vous placez au hasard un point avec votre crayon. Vous n’avez droit à aucun instrument de mesure ou compas.   Vous devez rédiger un message à l’intention d’un autre groupe afin que celui-ci retrouve exactement l’emplacement de ce point.
15 mChaque groupe retourne à sa place et recommence si le système proposé est trop embryonnaire.
Sinon, le groupe, fort de ce qu’il a appris des autres groupes, rédige un message qui doit être définitif. Les groupes vérifient qu’ils ont retrouvé avec succès le point de leur groupe correspondant3.
Vous retournez à votre place et vous rédigez un message qui doit cette fois, être définitif.
Séance 2  
20 mOn propose aux élèves d’imaginer qu’un vaisseau spatial extraterrestre est en panne à la surface de la Terre et que l’équipage appelle à l’aide. Bien évidemment, il lui faut donner sa position à la surface de la Terre! On peut distribuer à chaque groupe des ballons afin qu’ils puissent faire quelques tracés.Voici des ballons qui représentent la Terre. Imaginez qu’un vaisseau extraterrestre appelle à l’aide. Comment peut-il faire pour vous dire où il se situe exactement à la surface de la Terre. Attention ! Il y a une grande différence : la Terre n’est pas plate !
20 mChaque groupe rapporte son hypothèse et l’enseignant synthétise les propositions des élèves. L’enseignant montre le résultat sur un globe terrestre ainsi que les lignes imaginaires fondamentales (Équateur, tropiques et cercles polaires).Venez montrer au grand groupe les solutions que vous avez trouvées.
15 mDes planisphères dont les parallèles sont incurvés et les méridiens également sont à proposer aux élèves afin qu’ils côtoient la plus grande diversité de représentations de la planète Terre et qu’ils prennent conscience de l’impossibilité de représenter exactement le globe terrestre à plat. La déformation est la règle (cf. situation-problème 2).Regardez ces différents modes de représentation des planisphères. Selon certaines projections, que nous avons étudiées auparavant, les parallèles et les méridiens sont incurvés.
10 mExercices de lecture (codage et décodage) des coordonnées de villes. Donner les coordonnées d’un point et, à l’inverse, savoir trouver le point avec ses coordonnées. 
Déroulement SP – Situer un point sur le globe terrestre

 DOCUMENTS

 Pas de document particulier ici, en tout cas pour démarrer la situation-problème puisque le matériel nécessaire se limite à des feuilles blanches et à des crayons (et à quelques fruits).

Sans rentrer dans les détails de la mesure de la rotation angulaire (comme nous l’avons expliqué plus haut), on peut signaler aux élèves du cycle 3 (tout du moins à l’aide d’une équerre) que les rayons du soleil sont perpendiculaires au Tropique nord au solstice d’été et au Tropique sud au solstice d’hiver (nommé hiver dans notre hémisphère) et perpendiculaires à l’Équateur aux deux équinoxes d’automne et de printemps (schéma 3). 

Schéma 3 : Les tropiques : des parallèles particuliers

Bibliographie

Le lecteur pourra se reporter à la bibliographie de la SP Reconnaître la Terre.


  1. Sur une sphère, le trajet le plus entre deux villes situées sur le même parallèle n’épouse pas celui-ci. Le lecteur féru de mathématiques pourra consulter ce site. ↩︎
  2. Henri Bassis, 1984, « Le HLM -de A jusqu’à Z… ou l’invention mathématique à tous les étages », dans « Je cherche donc j’apprends », Messidor / Éditions sociales, p. 23-32. ↩︎
  3. Pour conforter les élèves dans la maîtrise de cette lecture, l’enseignant peut utiliser des plans urbains qui utilisent le système lettres/chiffres pour permettre au lecteur de repérer une rue. Sur le plan en lien, la place d’Italie est située en G20 : Exemple ↩︎