Cette situation-problème est consacrée à la conquête du droit de vote des femmes. Il s’agit que les élèves prennent conscience que cette rupture fut le fruit de longues luttes et que les résistances des hommes furent acharnées.
- Concepts de second ordre : continuité / changement
- Concept de premier ordre : égalité politique
- Notion essentielle : féminisme
Les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes (Fernand Grenier, 1944)
Des républiques, une démocratie : des libertés, des droits et des devoirs.
À partir de quelques exemples accessibles, on montre que les
libertés (liberté d’expression, liberté de culte…) et les droits
(droit de vote, droits des femmes…) en vigueur aujourd’hui,
sous la Ve République, sont le fruit d’une conquête et d’une
évolution de la démocratie et de la société et qu’ils sont
toujours questionnés. On découvre des devoirs des citoyens. (Programme)
1. Représentations
L’obtention du droit de vote des femmes est un événement fondamental non seulement dans la vie politique française mais dans tous les aspects de la société. D’abord parce que les femmes ont lutté inlassablement depuis 1789 au moins jusqu’en 1944/45 ce qui représente plus de 150 d’efforts pour arrivera à obtenir une égalité politique. Notons que les femmes n’obtiendront ce droit que près d’un siècle après les hommes. Quelle continuité dans la lutte dont le revers est la continuité des résistances machistes. Et pourtant il y en a eu des tentatives, la plus probante a été consécutive à la Première Guerre mondiale.
La rupture viendra donc en mars/avril 1944. On peut lire que le général de Gaulle a donné le droit de vote aux femmes. C’est vrai qu’il a signé l’ordonnance du décret du 21 avril et qu’il y était favorable mais, outre Fernand Grenier (PCF) auteur de l’amendement, c’est oublier les luttes des femmes, c’est oublier le rôle central de certaines figures du féminisme : Olympe de Gouges, Eugénie Niboyet, Jeanne Deroin, Hubertine Auclert, Maria Martin, Marguerite Durand, Louise Weiss, Cécile Brunschvicg, et bien d’autres avec elles, dont les français s’obstinent à ne pas garder le nom en mémoire (1). Le lecteur se reportera à la page de la BNF « Personnalités féministes » pour en savoir plus sur ces militantes.
Le concept de second ordre que nous avons décidé de travailler est celui de continuité / changement pour les raisons que nous venons d’exposer. Mais aussi parce qu’il est important que les élèves entendent que les progrès sociaux sont le fruit qu’en conquête comme le précise le programme. C’est pour cela que nous avons choisi un certain nombre de moments clefs de cette lutte qui seront à reporter sur une frise chronologique.
Le second concept qui est travaillé en même temps est celui de point de vue. A chaque fois deux points de vue sont opposés. Il est frappant de voir que finalement les arguments de ceux qui s’opposent à l’exercice du droit de vote par les femmes leur oppose les mêmes arguments, c’est-à-dire une vision excessivement réactionnaire teintée de peur. Nous avons conscience que des élèves peuvent relayer une telle conception de la femme. Mais il est utile qu’il le dise et qu’ils entendent les arguments des autres. Enfin, il ne peut être question de leur faire une leçon de morale en les mettant en cause personnellement.
La devise nationale suppose l’Égalité politique et l’enseignant doit le leur rappeler. Comment faire émerger leurs représentations à ce propos ? Un des biais pourrait être d’organiser des élections (ou un référendum) en classe, de les préparer et d’appeler à voter. L’enseignant interdit à ce moment-là l’accès aux urnes à toutes les filles (ou à tous les garçons) suscitant l’ire du groupe exclu. Une telle situation est de nature à ce que tous les élèves s’expriment. A l’enseignant de profiter de l’occasion pour noter au tableau les grandes lignes de ce qui se dit. L’enseignant doit rappeler que cette situation n’est pas celle de la France aujourd’hui : pourquoi ? Et c’est là que les élèves vont livrer des hypothèses qui vont permettre d’analyser leurs représentations du concept de continuité / changement.
2. Documents – la Révolution française
Mission : Le 26 août 1789, l’Assemblée national publie la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Dans son 1er article, elle indique que « Les hommes naissent libres et égaux en droit ». A l’aide de votre document, comment rédigeriez-vous cet article ?
Document 1
Art. 3. – Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation, qui n’est que la réunion de la femme et de l’homme […].
Art. 6. – La loi doit être l’expression de la volonté générale ; toutes les citoyennes et citoyens doivent concourir personnellement ou par leurs représentants, à sa formation ; elle doit être la même pour tous ; toutes les citoyennes et citoyens, étant égaux à ses yeux, doivent également être admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leurs capacités, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents […].
Ô femmes ! Femmes, quand cesserez-vous d’être aveugles ? Quels sont les avantages que vous avez recueillis dans la Révolution ?
Olympe de Gouges, Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne, 1791
Document 2
L’homme est fort, robuste, né avec une grande énergie, de l’audace et du courage. […] Les mœurs et la nature même ont assigné [à la femme] ses fonctions : commencer l’éducation des hommes, préparer l’esprit des enfants aux vertus publiques. […] Telles sont leurs fonctions après les soins du ménage. […] Elles peuvent assister aux délibérations des sections, aux discussions des Sociétés populaires ; mais, doivent-elles prendre une part active à des discussions dont la chaleur est incompatible avec la douceur et la modération qui font le charme de leur sexe ? […] Nous croyons donc qu’une femme ne doit pas sortir de la famille pour s’immiscer dans les affaires du gouvernement.
Jean-Pierre André Amar (député), Rapport sur l’interdiction des clubs de femmes, 30 octobre 1793, Archives parlementaires
3. Documents – Révolution de 1848
Mission : en 1848, le Gouvernement provisoire de la République a instauré le suffrage universel pour les hommes. A l’aide de votre document, vous devez réagir à cette décision.
Document 3
Nous proclamons comme vous, citoyens, le principe de l’égalité humaine, nous entendons par là, non seulement l’égalité de tous les hommes entre eux, mais encore l’égalité des hommes et des femmes. Nous voulons pour elles comme pour vous, l’instruction intégrale, les mêmes facilités de développement physique, moral, intellectuel, professionnel.
Nous voulons pour les femmes, comme pour les hommes, liberté de conscience, liberté d’opinion, liberté d’action. […]
Nous voulons pour les femmes comme pour les hommes, voix délibérative dans la Commune, dans l’État, ou dans le groupe ; parce que les femmes comme les hommes, sont intéressées aux lois et règlements qui se font, parce que les femmes, payant les impôts, ont autant de droits que les hommes d’exiger une bonne répartition de ces impôts, parce que dans une vraie République, il n’y a plus de privilégiés, il n’y a que des intéressés qui se soumettant aux mêmes devoirs, doivent posséder les mêmes droits.
Rapport de Hubertine Auclert au 3e Congrès national ouvrier (Marseille, 20-31 octobre 1879)
Document 4
En vain prétend-on que l’égalité civile accordée à la femme a pour corollaire nécessaire son émancipation politique. C’est méconnaître absolument le rôle de la femme dans l’humanité. Destinée à la maternité, faite pour la vie de famille, la dignité de sa situation sera d’autant plus grande qu’elle n’ira point la compromettre dans les luttes du forum et dans les hasards de la vie publique. Elle oublierait fatalement ses devoirs de mère et ses devoirs d’épouse, si elle abandonnait le foyer pour courir à la tribune. […]
On a donc parfaitement raison d’exclure de la vie politique les femmes et les personnes qui, par leur peu de maturité d’esprit, ne peuvent prendre une part intelligente à la conduite des affaires publiques. Il est encore fort juste d’en chasser tous ceux qui s’en sont rendus indignes, en manquant gravement à leurs devoirs sociaux et qui ont été frappés d’une condamnation d’une certaine gravité.
Émile Morlot (1884). De la capacité électorale.
4. Documents – avant et après la Seconde Guerre mondiale
Mission : 1. Choisissez un document (6, 7 ou 8). 2. Puis en vous inspirant des affiches du document 9, réalisez à votre tour une affiche qui raconte votre document.
Date | quelques Pays ayant instauré le droit de vote avant la France |
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1869 | L’État du Wyoming aux États-Unis |
1893 | Nouvelle-Zélande |
1902 | Australie |
1907 | Finlande |
1913 | Norvège |
1914 | Islande |
1915 | Danemark |
1918 | Canada, Grande-Bretagne, Allemagne, Russie soviétique et Pologne |
1919 | Pays-Bas, Luxembourg et Suède |
1934 | Turquie |
1935 | Philippines |
21 avril 1944 | les femmes deviennent électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes |

Document 6 – Premier vote des femmes (élections municipales d’avril 1945). Harlingue Albert (1879-1963)

Document 7- Une féministe de l’association « La Femme nouvelle » se fait arrêter lors d’une manifestation, en juillet 1936 (© Gamma Rapho)
Document 8
Nous ne devons plus traiter la femme en inférieur. La femme doit avoir le droit et le devoir de s’occuper de la chose publique. Je suis ravi que l’Assemblée consultative ait déclaré la femme française « électrice et éligible », afin de manifester notre solidarité et notre volonté de ne plus la traiter en mineure et en inférieure.
De nombreux hommes, prisonniers ou déportés, éloignés de leurs foyers, ont été remplacés dans leurs tâches par leurs femmes. Cette situation confère à ces dernières un droit encore plus fort de voter dès les prochaines élections.
Fernand Grenier, délégué du PCF à l’Assemblée Consultative Provisoire (ACP) d’Alger. Journal officiel des débats de l’ACP, les 21 janvier et 24 mars 1944.
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5. Exploitation
L’exploitation de ce travail doit porter essentiellement sur le concept de continuité / changement d’une part’ et sur le concept de point de vue, d’autre part. Pour ce dernier, il est nécessaire de collationner les arguments des uns et des autres. Pour le premier, il serait utile d’élaborer avec les élèves une frise chronologique qui peut être complétée avec des éléments empruntés à d’autres frises.

Bibliographie indicative très sommaire
- AUCLERT H. (2021). Journal d’une suffragette, (Nicole Cadène), Gallimard.
- BARD, Ch. (2015). Les féministes de la première vague, PUR.
- BOUGLE-MOALIC, A.-S. (2012). Le Vote des Françaises, cent ans de débat, 1848-1944, PUR.
- RIOT-SARCEY, M. (2008). Histoire du féminisme, La Découverte.
(1) Peu d’entre elles ont droit à un nom de rue ou de place à Paris.